par Myriam Barriault-Fortin

L’organisme Eme3 est créé en 1999 afin de répondre au besoin d’un espace pour les architectes, les urbanistes et les créateurs de divers domaines pour montrer leurs expérimentations et innovations. Le mandat d’Eme3 a changé depuis, mais il conserve un intérêt pour l’architecture. Ces dernières années, Eme3 s’intéresse à diverses pratiques et il offre un espace de réflexion à leur sujet. L’intention principale d’Eme3 est de joindre et diffuser ce qui se fait à l’avant-garde concernant l’espace public[1].

Eme3 est basé au Col·legi d’Arquitectes de Catalunya, à Barcelone. L’organisme est sous la direction de Javier Planas et il est composé d’un comité scientifique. Il est supporté financièrement par des fonds gouvernementaux (entre autres le Gobierno de España; Ministerio de Fomero, la Generalitat de Catalunya, le Departement de la cultura, Representaciones de Alemania en España) et des dons privés. Depuis 2009, les rencontres ont lieu une fois par année, mais l’organisme suit des projets, des collectifs et il produit de l’information tout au long de l’année. Ces rencontres durent quatre jours et sont des laboratoires expérimentaux mis en place afin de réfléchir à de nouvelles avenues en architecture, en urbanisme et en expression artistique. Chaque édition est suivie d’un catalogue qui est disponible en téléchargement libre sur leur site internet[2]. Les éditions passées sont également archivées sur leur site.

Lors des années précédentes, des artistes sont présents dans la programmation. Différents médiums et diverses pratiques sont accueillis lors du festival, dont la performance, l’art relationnel, la vidéo, la photographie et l’intervention urbaine. Lors des années antérieures, des collectifs d’intervention urbaine en architecture exposent leur travail et leur réflexion sur l’espace public, dont Encore Heureux, EXYZT et Collectif Etc. de la France, Raumlabor de Berlin, Todos por la Praxis, Recetas Urbanas de l’Espagne et Arquitectura expandida de la Colombie. Ce qui est particulièrement intéressant avec Eme3, c’est qu’il fait le pont entre des réseaux de collectifs d’interventions urbaines de l’Europe, de l’Espagne et de l’Amérique latine.

L’édition de 2013, intitulée Topias, Utopias becoming real, a lieu dans une usine désaffectée à Barcelone, Fabra i Coats, dans l’espoir que, durant quelques jours, cet espace public soit réactivé afin de montrer l’importance de cet endroit dans la ville catalane. Les thématiques de cette édition portent sur les nouvelles utilisations de l’espace public et interrogent l’influence des situations de crise (économiques, politiques, environnementales et démographiques) sur l’hébergement de la population et les nouvelles avenues possibles. Les nouvelles méthodes de travail, de coopération entre des domaines, les communications dans les réseaux sont analysées afin de constater comment ils influencent la construction de bâtiments et de l’espace public. Finalement, l’éducation universitaire est étudiée et les expérimentations sont discutées[3].

Durant quatre jours, des expositions, des interventions urbaines, des performances, des colloques, des constructions et des conférences constituent le festival, désormais international, d’Eme3. Nous avons remarqué les projets de Pau Faus et Cadelas Verdes. Pau Faus est un architecte qui enseigne à l’Université de Barcelona-Vallès, en plus d’être artiste visuel. Il est captivé par les pratiques marginales ou autonomes dans la ville contemporaine qui montrent le fonctionnement et les contradictions de l’environnement urbain[4]. Le projet que Faus a présenté à Eme3 s’intitule La ciudad jubilada (The Retired City) et il s’agit d’un livre portant sur des lots de jardins occupés par des retraités en bordure d’une autoroute en périphérie de Barcelone. Le livre est structuré à la manière d’un dictionnaire et à chaque entrée, des photographies et des textes de différents auteurs servent à démontrer la variété des aspects formant ce phénomène d’appropriation de ces « no man’s land »[5] (voir au bas de la page pour le consulter). Un court documentaire a pour but de montrer le quotidien et les motivations de ces retraités qui viennent quotidiennement soigner les plantes de ces jardins informels (voir au bas de la page pour le visionner). Ce projet de Faus est exposé en 2012 au Centre El Lledoner à Barcelone et Faus fait partie des artistes invités à Eme3 l’année suivante.

Cadelas Verdes est un collectif composé de trois artistes : Ana Amado (architecte, artiste contemporaine, photographe, commissaire et designer d’exposition)[6], Marta Marcos (architecte et urbaniste) et Luz Paz (architecte et artiste)[7]. L’œuvre Spanish Dream est un projet architectural et photographique qui est une critique du développement immobilier espagnol durant les dernières années. Le titre fait référence au rêve américain dont le but ultime est d’être propriétaire, d’au moins une maison. En Espagne, la situation immobilière problématique est attribuable à la crise économique des dernières années. Ce « rêve espagnol » s’est concrétisé par des paysages d’immeubles à logements abandonnés durant leur construction. Ces ruines sur des terrains en construction sont causées par les faillites des compagnies immobilières. Cadelas Verdes représente des scènes quotidiennes se jouant au milieu de ces ruines et travaille avec les paradoxes, les contradictions et le décalage afin de critiquer le rêve espagnol. Le collectif veut également amener le spectateur à réfléchir à sa relation avec le désir d’être propriétaire. Ces photographies sont exposées lors d’Eme3[8].

Ces deux projets sont des exemples parmi d’autres qui sont présentés au Festival d’Eme3. Ils illustrent particulièrement bien la production artistique qui fait partie des discussions et des réflexions sur des sujets plus larges concernant l’architecture et l’espace public. Eme3 suit les activités de ce genre tout au long de l’année et il est une excellente référence sur ce qui se fait à ce sujet en Europe.

par Myriam Barriault-Fortin.


[1] Eme3 (21 mars 2012), «About», Eme3, [en ligne] http://2012.eme3.org/?page_id=2 (consulté le 8 janvier 2014).

[2] Le catalogue pour l’édition 2013 est disponible à cette adresse : http://www.eme3.org/?p=3349 (consulté le 8 janvier 2014).

[3] Eme3 (18 mars 2013) « Topic », Eme3, [en ligne] http://www.eme3.org/?page_id=2144 (consulté le 8 janvier 2014).

[4] Le site internet de Faus concernant sa pratique artistique : http://paufaus.net/ (consulté le 7 janvier 2014).

[5] Le livre est disponible pour la consultation en ligne : http://www.laciudadjubilada.blogspot.ca/ et il est également possible de le télécharger en format PDF sur le site de Issuu : http://issuu.com/paufaus/docs/laciudadjubilada/1?e=3002153/2734394 (consulté le 7 janvier 2014). Aussi accessible ici : LA CIUDAD JUBILADA – issuu

[6] Le site internet sur la production photographique d’Ana Amado : http://anaamado.eu/ (dernière consultation le 8 janvier 2013).

[7] Les sites internet suivants abordent Spanish Dream, Arxiu.bak. (06.04.2013) « Spanish Dream, Collectivo Cadelas Verdes, Ana Amado, Marta Marcos, Luz Paz » [en ligne] http://arxiubak.blogspot.com.es/2013/04/spanish-dream-colectivo-cadelas-verdes.html (consulté le 7 janvier 2014) et Ve-Redes : http://veredes.es/blog/tag/cadelas-verdes/ (consulté le 8 janvier 2014).

[8] Eme3 (18 juin 2013), « CadelasVerdes | Spanish Dream | Eme3 », Eme3, [en ligne] http://www.eme3.org/?p=2879 (consulté le 9 janvier 2014).

*Image d’en-tête : Retired City TECNOLOGICA, Pau Faus, 2013.