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Entre site et site, l’équipe observe, d’une part, l’investissement de l’espace public urbain et des cyber-réseaux par des artistes pratiquant l’intervention éphémère et in situ – furtive, relationnelle, etc. – et, d’autre part, la construction de communautés de goût autour d’activités photographiques amateures dans le web – un type d’art qui pourrait être qualifié de « populaire ». Cet examen réciproque de pratiques qui semblent incompatibles, mais qui pourtant présentent des correspondances indéniables – l’une d’entre elles étant qu’elles font grand usage d’images numériques circulant dans le web – soulève deux questions essentielles : celle de la nature de l’art qui se fait aujourd’hui et celle de l’ouverture possible de mondes communs dans un domaine public élargi où l’incessante mobilité des images permet de saisir les motifs de la production de l’espace. Ces manières de faire influent sur le façonnement et les usages des espaces publics, espaces matériels et situés tout aussi bien que virtuels et circulatoires. De même la définition de l’œuvre d’art, que l’on supposait généralement constituée, ou mieux, instituée par des gestes ou des interprétations institutionnelles historiquement situées, issues des mondes de l’art, serait peut-être en mutation grâce à ces pratiques singulières. La question de l’espace est, pour nous, essentielle, puisque cette ouverture possible de la conception de l’art nait de la diversification de l’espace public et, tout à la fois, participe à sa transformation.

L’espace public

La réflexion qui s’annonce ne peut manquer d’aborder le problème de l’espace. D’emblée, l’espace n’est pas chose évidente, car il se présente comme duel. D’une part, il serait vide à remplir et objet de planification par les experts; d’autre part, il serait modelé à mesure par les objets et les sujets qui s’y trouvent, irréductible à toute pensée planiste, produit des seules pratiques[1]. Espace au singulier et espaces pluriels, lieux, étendue, vide, incorporel ou occupé par des corps qui lui donnent forme[2], l’espace est bien des choses, tout en n’étant rien ou pas grand-chose, et pourtant il est précieux, revendiqué, disputé. C’est pourquoi on lui accorde, dans les villes, autant d’importance : l’espace urbain, s’il doit être accessible et praticable, doit également porter une promesse de qualité de vie et, de plus en plus, il devient une vitrine pour les villes, un média qui véhicule leur image.

Assurément indissociable de la ville, l’espace public apparait souvent comme une entité géographique, matérielle et située, correspondant plus ou moins aux places publiques et aux aires de circulation. Il ne faut toutefois pas perdre de vue sa qualité politique, associée à l’idée de sphère publique, où les débats peuvent avoir cours dans un espace médiatique plus vaste et plus fluide, moins incarné que la place publique urbaine. Le web est, à cet égard, un important lieu de (mise en) visibilité, ce qui caractérise le domaine public suivant la définition qu’offre Hannah Arendt : « tout ce qui paraît en public peut être vu et entendu de tous, jouit de la plus grande publicité possible »[3]. Les expériences et les pensées intimes doivent faire l’objet d’une transposition (ce qui serait le propre de l’art), afin qu’elles puissent être des objets dignes de paraître en public.

Ainsi, on ne peut plus penser l’espace public que dans une multiplicité : possiblement physique et situé, mais aussi circulatoire, ubiquiste et en réseaux virtuels; des formes qui s’amalgament et se répondent, qui doivent être mises en tension et examinées en réciprocité.

L’art « public »

Matériel et situé en même temps que virtuel et circulatoire, l’espace public recompose les conditions de coexistence de l’ici et de l’ailleurs. C’est pourquoi le rôle médiateur de l’art est de plus en plus reconnu, particulièrement dans une économie tertiaire fondée sur le tourisme. Comme le rappelle Yves Michaud, « il est temps de reconnaître que nous sommes entrés dans un autre monde de l’expérience esthétique et un autre monde de l’art – celui où l’expérience esthétique tend à colorer la totalité des expériences, où les vécus sont tenus de se présenter sur le mode de la beauté, celui où l’art devient un parfum ou une parure »[4]. Dans cette mouvance, où l’offre et la demande d’expériences culturelles seraient au fondement d’une tendance marquée de l’économie capitaliste à instrumentaliser l’art et la culture, la volonté d’esthétisation des lieux serait aujourd’hui généralisée. Cela correspond, selon Jean-Pierre Garnier[5], à l’apparition d’une nouvelle utopie remplaçant celles, caduques, des modernes. Il s’agit de l’utopie du bonheur collectif se traduisant en un « traitement paysager » par lequel la ville deviendrait à la fois espace ludique, vitrine publicitaire et lieu sécuritaire, propre à séduire les visiteurs, et dont l’usage serait réservé à certaines catégories ou classes de citoyens. Dans cette « cité radieuse d’un nouveau genre »[6], l’espace serait façonné par les planificateurs dans le dessein de réguler les comportements. Cette récente redéfinition de l’urbain, qui appelle un regard renouvelé sur l’art et la question de l’esthétique, a évidemment comme enjeu premier la production de l’espace à des fins économiques; mais l’économie n’est pas la seule question relative à l’esthétisation de la ville : les acteurs y sont nombreux et leurs intérêts diversifiés. Car, bien au-delà des modes de vie « artiste », prônés par les gourous de la « creative city »[7], et de la montée en force d’une « creative class »[8], phénomènes que l’on pourrait interpréter comme les effets de surface d’une économie culturelle maintenant fermement installée, les qualités rassembleuses des manifestations artistiques sont désormais reconnues et répercutées partout en zones urbaines.

Depuis quelques décennies, bien des penseurs envisagent l’art comme une condition essentielle pour rendre la ville plus vivable et la vie et le tissu urbain plus homogènes et moins conflictuels. En synchronie avec les interventions et la pensée de l’Internationale situationniste, Henri Lefebvre a vraisemblablement été l’un des premiers théoriciens à en appeler à l’art et au « sens de l’œuvre ». Il a également évoqué les « espaces de représentation », ces « lieux de la passion et de l’action, […], des situations vécues, […], pénétrés d’imaginaire et de symbolisme »[9]. Ces espaces de représentation témoignent d’une appropriation par les habitants et les artistes, ce qui les distingue des « représentations de l’espace » propres aux experts, aux décideurs et à leur pensée planificatrice[10]. Dans le même sens, Michel de Certeau[11] a suggéré que les pratiques quotidiennes et ordinaires de l’espace urbain pouvaient se concevoir comme autant de petites œuvres, créées ou jouées en réaction contre les représentations et les figures imposées par un régime économique qui fait de chacun un consommateur.

En phase avec ces réflexions, nombreux sont ceux qui envisagent aujourd’hui l’art et ses œuvres comme une solution à bien des problèmes urbains. C’est le cas notamment des autorités publiques qui utilisent l’art pour rendre plus attrayant l’espace public des villes. En plus de commander des œuvres d’art pérennes – dont le domaine public regorge aujourd’hui – elles engagent parfois même des artistes pour résoudre certains problèmes d’équipement, d’aménagement, ou même de cohabitation. Les exemples se sont récemment multipliés : à Montréal, on intègre l’art et la médiation culturelle à la conception même des places publiques ou des aires de circulation (Square des Frères-Charon, 2006; parc Toussaint-Louverture, 2011); à Paris, on proposait récemment au groupe Bruit du frigo d’aménager un espace vert propice au développement des relations sociales dans le 20e arrondissement; on donne aux artistes, curieusement, de plus en plus souvent le rôle de consultants.

Par ailleurs, les artistes investissent de plus en plus nombreux les places publiques, suivant diverses intentions : les œuvres d’art deviennent relationnelles, éphémères, furtives et clandestines, in situ et réflexives, comme en écho aux propositions de Debord, de de Certeau, de Lefebvre. Il y a, grâce à ces artistes, une « activité quotidienne à l’œuvre dans la ville, qui enrichit l’imaginaire et les pratiques urbaines »[12]. Lorsqu’ils interviennent dans l’espace public – ou lorsqu’ils créent un espace public –, les artistes ont un souci avoué de le garder ouvert et accessible à tous, même si cela entraîne le débat, voire la controverse. Ils reconnaissent de la sorte que l’espace public n’est pas un terrain nécessairement harmonieux, qu’il est en soi conflictuel parce que partageable, justement. Pour certains, il s’agit d’ailleurs de défendre une forme de droit à la ville de ses habitants, contre une certaine privatisation du domaine public s’effectuant selon des schèmes urbanistiques à la fois trop esthétisants, trop exclusifs et trop directifs.

Ainsi, les artistes pratiquant l’art urbain revendiqueraient une fonctionnalité renouvelée, un engagement social, démocratique et écologique de l’art. Il y a là une tentative de dépasser les clivages entre art d’élite et « goût vulgaire », pour employer l’expression de Pierre Bourdieu. Par ailleurs, les nouvelles générations d’artistes croisent fréquemment architecture, paysage et nouveaux médias, proposant des manières différentes d’appréhender l’espace et la ville. Pendant ce temps, dans l’Internet et ses réseaux sociaux, des formes inédites d’appropriation de l’espace urbain et de ses objets – et de l’art aussi, possiblement – naissent par l’abondance des images produites et la facilité à les faire voir et circuler. La photographie, que l’on croyait vouée à la mort subite avec l’arrivée de l’image numérique, devient l’objet par excellence de création de communautés : elle se pose véritablement comme cet art sans art, cet art pour tous qu’Arago décrivait dès 1839 au sujet du daguerréotype[13]. Des groupes de cybernautes se rassemblent autour d’images photographiques d’objets et de lieux urbains, qui sont par le fait même appropriés, réfléchis, partagés.

Les recherches

Nos recherches portent sur les espaces publics de certaines villes québécoises, sur les interventions artistiques qui prennent place dans ces lieux, et aussi sur la volonté d’acteurs publics et privés de programmer, en lien souvent avec les évènements organisés en vue de rendre la ville festive, des interventions d’arts visuels dans leurs territoires. Nous conduisons des enquêtes auprès des planificateurs et des gestionnaires, auprès des artistes, des groupes et des centres d’artistes pratiquant des formes d’art urbain novatrices, où les pratiques situationnelles, furtives et relationnelles côtoient, répondent ou confrontent la diffusion muséale des œuvres d’art et l’embellissement des places par le design et par l’art public dans sa forme monumentale et pérenne.

Un second terrain correspond au cyberespace, dans lequel circulent des images des lieux publics, des œuvres d’art public, des interventions artistiques urbaines. Nos enquêtes dans les cyber-réseaux se font par des veilles web (collecte, quantification et qualification des images de lieux et de manifestations qui sont propagées par les internautes); par l’observation des évolutions des groupes web (Flickr en particulier) se constituant autour d’images de certains sites, paysages, œuvres ou monuments urbains; par l’organisation et la supervision de nos propres groupes web et la surveillance de leurs évolutions.

Quelques-unes des questions touchées par ces enquêtes :

Les manifestations dans le domaine public, en ce qu’elles impliquent divers membres du public, peuvent-elles contribuer à créer des mondes communs habitables, ou des modèles pour des espaces partagés? Comment les groupes d’artistes, parfois en collaboration avec les habitants, proposent-ils des gestes d’appropriation, de réappropriation ou de réinvention des lieux? La circulation et l’échange des représentations et des images dans le web constitue-t-elle une forme d’appropriation seconde, peut-on parler d’espaces autres ou autrement appropriés? Comment, dans les groupes Flickr et les réseaux sociaux, joue l’effet de rapprochement ou de proximité et de quel ordre est l’effet de réciprocité et d’interconnexion entre les deux types d’espaces ?

L’équipe de recherche


[1] LATOUR, Bruno (2009) Sphères et réseaux, deux façons de saisir le global. Les études du CFA, no 26, p.7. En ligne : http://www.bruno-latour.fr/articles/article/115-HARVARD-DESIGN-FR.pdf

[2] CAUQUELIN, Anne (2006) Fréquenter les incorporels. Contribution à une théorie de l’art contemporain, Paris, Presses universitaires de France, p.22.

[3] ARENDT, Hannah (1963) Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, p.89.

[4] MICHAUD, Yves (2003) L’art à l’état gazeux. Essai sur le triomphe de l’esthétique. Paris, Hachette, p. 18.

[5] GARNIER, Jean-Pierre (2008) Scénographies pour un simulacre : l’espace public réenchanté. Espaces et sociétés, no 134, p. 71.

[6] Ibid., p.79

[7] LANDRY, Charles (2000) The Creative City: a Toolkit for Urban Renovators, Londres, Earthscan Publications.

[8] FLORIDA, Richard (2002) The Rise of the Creative Class. And how it’s transforming work, leisure, community and Everyday Life, Londres, Basic Books; TAYLOR, Richard (2006) Neo-Bohemia. Art and Commerce in the Postindustrial City. Londres, Routledge.

[9] Lefebvre, Henri (2000 [1973]) La production de l’espace. Paris, Anthropos, p.52.

[10] Ibid.

[11] CERTEAU, Michel de (1990) L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard.

[12] BOIVIN, Julie (2009) Emerging Urban Aesthetics in Public Art: The Thresholds of Proximity. Dans Annie Gérin et James S. McLean (dir) Public Art in Canada. Critical Perspectives, Toronto, University of Toronto Press, p. 81.

[13] BRUNET, François (2000) La naissance de l’idée de photographie, Paris, Presses universitaires de France.

*Image d’en-tête | Header image : Karen Elaine Spencer, Blog as Studio Artist as Circulator.

 

CRSH

 


English
Art & Site: Inhabiting public space in the era of the image
Between site and site, the team observes, on the one hand, the occupation of public urban space and of cyber networks by artists practicing site-specific and ephemeral intervention art – relational art, furtive art, etc. – and, on the other hand, the emergence of communities of taste around amateur photographic activities on the web – a type of art which could be called « popular ». This reciprocal examination of practices, seemingly incompatible, nevertheless demonstrate undeniable similarities, one of which is their important use of digital images circulating on the web. This stresses two essential issues : the nature of today’s art and the possible opening of collective worlds in an enlarged public domain where the relentless mobility of images allows to grasp the motifs of the production of space. These approaches influence the shapes and uses of public spaces, be they material and situated or virtual and circulatory. The same holds true for the definition of the work of art, a definition constituted by institutional gestures or historically situated interpretations that might be mutating after all, due to these singular practices. The issue of space is essential to us, since this potential widening of the conception of art simultaneously finds its origin in the diversification of public space and plays a vital part in its transformation.

Public space The dual identity of space makes it a complex matter: on the one hand, it is an emptiness waiting to be filled, subject to expert planning; and on the other hand, it is shaped by the objects and subjects inhabiting it, irreducible to strategic designs, and the sole result of practices[1]. Singular space and plural spaces, places, areas; emptiness, either incorporeal or shaped by the very things occupying it[2]: space is many things or nothing at all, but is always precious, claimed, disputed. That is why it is granted such importance in the city: urban space, if it must be accessible and negotiable, also needs to bear the promise of a certain quality of life. Furthermore, it is increasingly used as a showcase for cities, as a media conveying their image.

Integral to the city, public space often appears as a material and situated geographic entity, generally and approximately associated with plazas and circulation areas. However, we must not forget its political dimension, linked to the notion of public sphere, where debates can occur in a mediatic space more extensive, more indistinct, and much less physical than the urban plaza. The web is, in that respect, an important site of visibility, which characterizes the public domain according to Hannah Arendt’s definition: “everything that appears in public can be seen and heard by everybody and has the widest possible publicity”[3]. Experiences and intimate thoughts must be transposed (which is the task of art) in order to become worthy of appearing in public.

Thus, we cannot imagine public space but in its multiplicity: potentially physical and situated, but also circulatory, ubiquitous and made into virtual networks; shapes both intermingled and answering each other, which must be examined jointly and reciprocally.

“Public” art

Material and situated while virtual and circulatory, public space rewrites the ways the here and there coexist. That is precisely why the mediating role of art is increasingly acknowledged, especially in the context of a tertiary economy in which tourism plays such a significant role. As Yves Michaud states, “it is time to admit that we have stepped in a new realm of aesthetic experience and a new realm of art – one in which the aesthetic experience tends to taint every other experience, in which life stories must be presented as objects of beauty, in which art becomes merely a fragrance or an ornament”[4]. In this context, supply and demand for cultural experiences induces a marked tendency of capitalist economy to instrumentalize art and culture, wherein the will for aesthetizing sites is seemingly generalized. According to Jean-Pierre Garnier[5], this phenomenon can be linked to the emergence of a new utopia that supersedes the now-obsolete modern ones. It is a utopia of collective happiness translating into a “landscape treatment” through which the city simultaneously becomes a space of entertainment, an advertising apparatus and a safe space suitable to seduce tourists, its use reserved for specific types of citizens. In this “radiant city of a new kind”[6], space would be carefully planned in order to regulate behaviors. This recent redefinition of the urban, which calls for a renewed outlook on art and on the issue of aesthetics, obviously revolves around the production of space for economic purposes; but economy is not the only issue at stake in the aesthetization of the urban: the players are numerous and their interests diversified. Well beyond “artistic” lifestyles, promoted by the gurus of the “creative city”[7] or the rise of a “creative class”[8] – phenomenons we could interpret as the side effects of a firmly established cultural economy – the rallying qualities of artistic events are henceforth well known and echoed everywhere in urban zones.

For some decades now, many thinkers have regarded art as an essential condition for weaving a homogeneous, less conflictual and generally more livable urban fabric. Alongside the Situationist International’s propositions and interventions, Henri Lefebvre probably was one of the first theoricians to call for art and the “meaning of the work of art” in that context. He also evoked the “representational spaces”, “spaces directly lived through its associated images and symbols”[9]. These spaces of representation are witness to the appropriation of space by both artists and residents, which sets them apart from the “representations of space” peculiar to experts, decision-makers and their schemes[10]. Along the same lines, Michel De Certeau[11] has suggested that the daily and ordinary practices of urban space could be conceived as so many small-scale artworks, created or played against the representations and figures imposed by an economic system imposing consumerism on everyone of us.

In conjunction with these theories, many now consider art and artworks to be a solution to several urban issues. Public authorities in particular are using art as a way of increasing the attractiveness of public urban space. They subsidise perennial artworks, which now crowd the public domain, and at times even hire artists to solve problems concerning equipment, urban planning or cohabitation. Recent examples are plentiful: in Montréal, cultural mediation has been integrated in public art competitions (Square des Frères-Charon, 2006; parc Toussaint-Louverture, 2011); in Paris, the Bruit du Frigo collective has been asked to develop a green space propitious to social interactions in the 20th arrondissement; curiously, artists are increasingly sought as advisors.

Growing numbers of artists occupy plazas and public spaces to various aims: artworks become relational, ephemeral, furtive and surreptitious, site-specific or reflective, echoing Debord, De Certeau and Lefebvre. These artists fuel a daily activity at work in the city, feeding the imaginary and urban practices[12]. When they intervene in public space – or when they create one –, artists are avowedly committed to keeping it open and accessible to all, even in the face of debate or controversy. Thus they admit that public space is not necessarily harmonious, that its very nature as a shared space makes it prone to conflict. For some, it is about defending the citizens’ right to their city against the privatization of the public domain following urban planning schemes that are simultaneously too aestheticized, too exclusive and too directive.

Artists making urban art are thus said to claim renewed functionality as well as a social, democratic and ecological commitment in art-making. This constitutes an attempt to overcome the rift between elite art and “vulgar taste”, to borrow Pierre Bourdieu’s phrasing. Moreover, new generations of artists frequently mix architecture, landscape, and new media, suggesting new ways to apprehend space and the city. Meanwhile, on the Internet and its social networks, unprecedented forms of appropriation of the urban space and its objects – and possibly of art, too – emerge through the abundance of images and the ease with which they are displayed and circulated. Photography, which many thought marked for disappearance with the arrival of the digital image, returns as the chief object of creation for many communities: it has truly become this art without art, this art for all which Arago evoked in 1839, when speaking of the daguerreotype[13]. Groups of cybernauts now gather around photographic images of urban spaces and objects that are, as a result, appropriated, reflected on and shared.

The Research

Our research focuses on the public spaces of certain cities, on the artistic interventions taking place within these spaces, and on the willingness of agents, both public and private, to present visual art interventions on their territories, often in the context of larger events held to show a festive side to the city. We conduct interviews with urban planners and administrators, with artists, collectives and artist-run centers. We are especially concerned with actors promoting innovative forms of urban art where relational, furtive and situational practices shadow, echo or confront the traditional museum-based display of artworks and the embellishment of city squares through design and public art in its monumental and perennial forms.

Cyberspace, and with it the circulating images of public sites, public artworks and urban art interventions, constitutes another field of our research. We enquire into cyber networks through Internet image monitoring (gathering, quantification and qualification of images of sites, artworks or artistic activities disseminated by Internet users); through the observation of web groups (on Flickr in particuliar) developing around images of certain sites, landscapes, urban artworks or monuments; and through the administration of our own web groups and the monitoring of their evolutions.

Some issues touched by these investigations: Can events in the public domain, as they imply various members of the public, contribute to create collective worlds fit for habitation or prototypes for shared spaces? How do groups of artists, occasionally collaborating with citizens, suggest appropriation, reappropriation or reinvention of spaces? Do the circulation and exchange of representations and images on the web constitute a form of second-hand appropriation? Can we speak of “other spaces” or spaces otherwise appropriated?

How does proximity and comparison play up in Flickr groups and other social networks, and how could the reciprocity and interconnexion between the two different types of spaces be described?

The research team


[1] LATOUR, Bruno (2009) Sphères et réseaux, deux façons de saisir le global. Les études du CFA, no 26, p.7. En ligne : http://www.bruno-latour.fr/articles/article/115-HARVARD-DESIGN-FR.pdf

[2] CAUQUELIN, Anne (2006) Fréquenter les incorporels. Contribution à une théorie de l’art contemporain, Paris, Presses universitaires de France, p.22.

[3] ARENDT, Hannah (1988[1958]) The Human Condition, Chicago, University of Chicago Press, p.50.

[4] MICHAUD, Yves (2003) L’art à l’état gazeux. Essai sur le triomphe de l’esthétique. Paris, Hachette, p. 18.

[5] GARNIER, Jean-Pierre (2008) Scénographies pour un simulacre : l’espace public réenchanté. Espaces et sociétés, no 134, p. 71.

[6] Ibid., p.79

[7] LANDRY, Charles (2000) The Creative City: a Toolkit for Urban Renovators, Londres, Earthscan Publications.

[8] FLORIDA, Richard (2002) The Rise of the Creative Class. And how it’s transforming work, leisure, community and Everyday Life, Londres, Basic Books; TAYLOR, Richard (2006) Neo-Bohemia. Art and Commerce in the Postindustrial City. Londres, Routledge.

[9] Lefebvre, Henri (1991 [1973]) The Production of Space. Oxford/Cambridge, Blackwell, p. 39.

[10] Ibid.

[11] CERTEAU, Michel de (1990) L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard.

[12] BOIVIN, Julie (2009) Emerging Urban Aesthetics in Public Art: The Thresholds of Proximity. Dans Annie Gérin et James S. McLean (dir) Public Art in Canada. Critical Perspectives, Toronto, University of Toronto Press, p. 249-263.

[13] BRUNET, François (2000) La naissance de l’idée de photographie, Paris, Presses universitaires de France.